Carnet de bord - Jeanne d'Arc - 9/14 décembre 2008

Publié le par le parrain de la 5e5

La Jeanne d'Arc appareille.
« La Jeanne d’Arc appareille ». Il est 16h30 ce mardi 9 décembre 2008 et la diffusion générale résonne dans tout le bateau. Au même moment, la dernière aussière qui nous reliait au quai tombe dans l’eau grise du port de Brest. Lentement, comme si cela lui coutait, le bâtiment s’écarte peu à peu du quai, tiré par deux remorqueurs. Les familles, rassemblées à quelques mètres de nous assistent à cette scène qui se répète depuis 44 ans.

Le plus jeune chien jaune jamais rencontré.
Quelques heures plus tôt, nous avions connu le premier moment fort de cette mission. Antoine, petit garçon de 5 ans atteint de leucémie, accompagné de ses parents et d’Honoré Carlésimo, président de l’association Louis Carlésimo ayant pour vocation de donner du rêve aux enfants malades, était arrivé à bord. Passionné par le modélisme aérien, et en particulier les hélicoptères, le papa d’Antoine a transmis à son fils cette passion. Et le rêve de ce petit garçon, au regard d’adulte déjà, était de faire atterrir des hélicoptères sur un bateau, d’être une fois dans sa vie « chien jaune » comme on dit dans le jargon de la marine. En accueillant Antoine et sa famille à la coupée, en tant que chargé de communication de la Jeanne d’Arc, je savais que nous allions vivre des moments très intenses. Après un chocolat chaud pris au carré commandant – il faisait froid à Brest ce matin du 9 décembre – et la visite anticipée du père Noël qui avait apporté à Antoine un bonnet de marin et un nounours de la Jeanne, il était temps de passer aux choses sérieuses. « Appontage des hélicoptères dans 15 minutes ». Antoine devait s’équiper : t-shirt jaune à son nom, casque sur la tête et lunettes sur le nez. Il avait fier allure notre « chiot jaune » ! Sans un regard pour ses parents, il est parti main dans la main avec Alain, le vrai chien jaune du bateau, sur le pont d’envol à la rencontre de son rêve. Cinq minutes après, les quatre hélicoptères appontaient, placées sous les ordres du « plus jeune chien jaune jamais rencontré sur un bâtiment de la marine nationale », nous confiera un des pilotes. Antoine s’en est retourné, des étoiles pleins les yeux, n’oubliant pas de saluer, comme les vrais marins, le pavillon français en descendant la coupée de la Jeanne d’Arc. A peine trente minutes plus tard, le chef d’état-major de la marine arrivait pour présider la cérémonie de départ. Au même moment, dans la rade de Brest, ceux qui restaient venaient saluer une dernière fois un fils, une fille, un mari, une amie, un père à bord de la goélette Belle-Poule, du cotre Mutin et des transrades réquisitionnés pour l’occasion.


Pudeur et émotion.
Trois coups de sirène annoncent que la Jeanne d’Arc fait machine arrière pour se dégager de sa place à quai et lui permettre de faire demi-tour vers la grande rade. Ces mugissements si marins entraînent aussitôt de grands « au-revoir » de la part de toutes les familles rassemblées sur le quai. A la passerelle de navigation, je surprends le timonier de quart faire un petit signe par la fenêtre et essuyer furtivement une larme au coin de l’œil : la pudeur du marin dans ses moments difficiles est exemplaire. Nul doute que sa compagne, sur le quai, devait fixer la passerelle, dans l’attente de l’apercevoir une dernière fois. Ce petit signe de la main, la larme discrète, ce sont autant de moments secrets dans la vie des hommes de la Jeanne d’Arc.
Je contourne la passerelle et scrute la rade à la recherche des voiles de la Belle Poule : le voilier a déjà franchi les passes et tire un bord le long de la digue. Les transrades qui relient Lanvéoc et l’île Longue à Brest nous croisent avec leur lot de permissionnaires : les saluts fusent, avec les coups de sirène.

Dans les derniers rayons d’un soleil qui aura joué à cache cache avec les nuages, je salue une dernière fois la Belle Poule en agitant ma casquette à bout de bras.


Un emploi du temps soutenu rythmé par les vagues.
Les premiers jours de mer ont permis à chacun de reprendre son rythme à bord. Il s’agit avant tout de reprendre les bonnes habitudes, et la première d’entre elles : ranger son bureau ! Faute d’avoir réagi suffisamment tôt, j’ai retrouvé le sol de mon bureau-chambre recouvert d’une couche d’environ vingt centimètres de papiers divers, que les premiers mouvements de roulis avaient chassés de la table. Bien fait ! Ensuite, bloquer les roues du fauteuil à roulettes ! J’ai passé les deux premiers jours à me caler à mon bureau en écartant les jambes et à m’agripper aux tiroirs quand un mouvement plus brutal qu’un autre me propulsait d’un côté ou d’un autre de ma chambre. Ca devient vite lassant … La solution a consisté à enrubanner les cinq roulettes dans du gros scotch : le résultat est plutôt satisfaisant ! En tout cas, plus reposant...

La vie à bord commence à 07h30 avec la sonnerie au clairon du « branle-bas ». Pour ma part, je préfère me lever vers 06h45 et prendre ma douche tranquillement. En effet, dans notre zone du bateau, nous sommes onze officiers pour … deux douches ! Et le matin, je n’ai aucune envie d’attendre mon tour dans la coursive. Alors je me lève un peu plus tôt, avec la garantie de ne pas trouver porte close. Après ma toilette, pour aller petit-déjeuner au carré, j’aime traverser tout le bateau alors qu’il n’est pas encore réveillé. La lumière rouge des coursives éclaire quelques marins matinaux, et l’odeur du pain chaud émanant de la boulangerie plane encore dans l’air. Le commandant réunit ses grands adjoints à 08h15 à la passerelle de navigation : c’est le premier contact de la journée avec la mer. C’est à chaque fois un émerveillement, de nuit – quand le soleil n’est pas encore levé – comme de jour. Ce premier briefing comporte un point météo et l’examen rapide des dossiers en cours. Puis, à 08h30, l’équipage se met à nettoyer les locaux jusqu’à 09h00 : ça sent bon le propre. Tous les jours, je m’étonne de voir autant de poussière dans les coursives, alors que le ménage y est fait quotidiennement. Ce n’est pourtant pas de la poussière venant de l’extérieur !! Jusqu’à 12h00, heure du déjeuner, l’activité est studieuse : chacun traite ses dossiers, conduit une réunion, prépare l’escale suivante … Le déjeuner permet à chacun de faire une pause jusqu’à 13h30, puis le travail reprend jusqu’à 17h00. Il est alors possible d’aller faire du sport, ou de se détendre dans les carrés, dans les postes, à l’extérieur … Le dernier briefing du jour est programmé à 18h30 : c’est le moment de présenter au commandant le retour d’expérience des activités du jour, ainsi que les prévisions pour les prochaines 24 heures. Vers 19h15, les marins se retrouvent dans leur carré pour le dîner. Ne croyez cependant pas que la routine s’installe à bord d’un bateau comme la Jeanne d’Arc car en parallèle de cette vie très cadencée, une multitude d’autres activités rythment la vie du marin embarqué, 24h/24, directement liées au fait que son lieu de vie et de travail est … un bateau au milieu de l’océan ! Il faut donc des équipes pour faire tourner toutes les fonctions qui assurent sa bonne marche ; c’est aussi, et surtout, un bateau militaire qui met en œuvre de nombreux moyens. Entre les activités aériennes, les entraînements au tir au canon, la veille surface, air et sous-marine, les exercices de lutte contre les incendies – la pire des craintes à bord d’un bâtiment : tout incendie doit être totalement éteint dans les cinq minutes après son commencement sous peine de devenir incontrôlable – les manœuvres nautiques, on ne s’ennuie jamais !

Ce soir nous entrons en Méditerranée par le détroit de Gibraltar : nous surfons sur des creux de 4 à 5 mètres, avec un vent de 40 nœuds dans le dos ! Le trafic est, comme tout détroit international, très dense, et la tension en passerelle, compte tenu notamment de la météo exécrable du moment, perceptible. Les lumières de Ceuta, emprise espagnole en territoire marocain, s’effacent peu à peu sur notre droite : Tunis est devant nous, que nous atteindrons jeudi 18 décembre au matin.

A suivre …

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D
bonjour cher parrain <br /> nous avons hâte de visiter la jeanne d'arc<br /> et nous vous remercions pour vos articles si détaillés<br /> et instructifs ...
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L
<br /> Chères Diane et Caroline<br /> <br /> Je vous donne rendez-vous le 7 mai pour la fin de l'aventure !<br /> <br /> <br />
F
bonjour je suis un éleve de la 507 du collége de la saline dans quel place est votre ecole j'espere vous revoir bientôt
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D
Bonjour<br /> Merci beaucoup pour votre réponse <br /> bonne suite de traversée<br /> merci beaucoup de nous parrainer; je trouve ça super!<br /> Diane
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D
Bonjour,<br /> je suis diane et comme tout les autres ,en 5 eme 5<br /> j'aimerais vous posez des questions :<br /> -Dèjà,est-ce qu'il y a des hélicoptères en permanence sur le bateau ?<br /> -les helicoptères que vous embarquez sont de la Marine(allouette 3) ou de l'armée de terre (cougar ou gazelle)?<br /> bonne traversée <br /> merci de nous parrainer<br /> au revoir<br /> diane
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L
<br /> <br /> Bonjour Diane,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Alors comme ça, tu t’intéresses aux hélicoptères ?<br /> <br /> <br /> Nous en embarquons quatre pour toute la durée de la mission. Il y a deux hélicoptères de la marine (Alouette 3) et deux hélicoptères<br /> de l’aviation légère de l’armée de terre (Gazelle). En effet, dans toutes les opérations que la France est amenée à conduire dans le monde, toutes les armées travaillent ensemble : il est<br /> donc normal que l’on s’entraîne ensemble !<br /> <br /> <br /> La Jeanne d’Arc peut accueillir tous les hélicoptères : du plus petit au plus gros ! C’est un véritable héliport au milieu<br /> de l’océan. En-dessous du pont d’envol, il y a un grand hangar qui nous permet de ranger les appareils quand ils ne volent pas : c’est comme un grand garage auquel on accède grâce à un<br /> immense ascenseur.<br /> <br /> <br /> Le fait d’avoir des hélicoptères nous est très utile : cela nous permet d’abord d’entraîner les officiers élèves à contrôler les<br /> différents mouvements aériens autour du bateau (comme une tour de contrôle), et puis surtout, c’est la possibilité de participer à de vraies opérations. C’est ainsi qu’en avril dernier, les<br /> hélicoptères de la Jeanne d’Arc ont participé à l’opération de libération des otages français qui étaient retenus au large de la Somalie (regarde où cela se situe sur une carte !) par des pirates<br /> sur un voilier qui s’appelait Le Ponant.<br /> <br /> <br /> <br />
E
Merci beaucoup,<br /> bonne traversée.
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